Je trouve que cette phrase reflète tout à fait l’esprit Duchamp elle est très intéressante et…. complexe, lorsqu’il s’agit de tenter de l’interpréter. Il me faut développer un minimum pour pouvoir expliquer ma pensée concernant cette assertion. Dans cette phrase il y a beaucoup de logique, un peu trop peut-être. A tel point qu’elle m’apparaît assez … perverse. Si on considère le premier terme uniquement et qu’on s’occupe du premier prémisse » Toute innovation picturale est un échec selon les critères picturaux antérieurs. » Je crois qu’on devrait et pourrait dire exactement le contraire. A savoir que toute innovation picturale ne peux être réussie en tant qu’innovation que par rapport à des critères antérieurs. Autrement dit, il ne peut y avoir de neuf et d’inédit que selon des critères antérieurs permettant de juger et de mesurer la distance entre ce qui est, qui était et ce qui vient et qui sera.
En fait, toute innovation perçue à travers des critères nouveaux ne ferait pas de neuf, mais produirait de la continuité. Pour faire du neuf, il me semble qu’il faut d’abord de l’ancien comme repère et comme base permettant de définir ce qui innove.
Alors si on considère la phrase dans son ensemble maintenant, c’est plus compliqué. Cela fonctionne un peu comme un syllogisme avec les défauts et les limites inhérents aux syllogismes. Je veux dire, lorsqu’on affirme certaines choses et que d’autres choses que celles posées a priori en découlent logiquement par la suite. Donc premièrement » Toute innovation est un échec selon les critères picturaux antérieurs » cela suggère, sans être dit, en non-dit, que toute innovation serait une réussite selon les critères à venir. Et donc en déduire que toute innovation est une réussite anticipée selon des critères anticipés … à instituer.
En fait le terme le plus important cette affirmation résumant la pensée de Duchamp est le dernier : instituera. C’est là que s’effectue le glissement déductif de la transposition du syllogisme c’est là que tout s’embrouille et tout perd du sens C’est à cet endroit du raisonnement que sont restés » coincés » les élèves de Duchamp . C’est à dire échec de l’innovation s’il y a critère antérieur et réussite de l’innovation s’il y a un critère nouveau. Mais critère nouveau a instituer. Tout le problème c’est l’institution de ces critères nouveaux, qui les instituera ?
« La réussite anticipée selon les critères qu’elle même instituera », la réussite anticipée n’a pas encore d’existence, puisqu’elle est… à venir; cela reviens à dire que c’est donc l’artiste qui instituera … L’artiste tout seul ?
Un individu peut décider bien sûr tout seul qu’il l’institue de nouveaux critères mais pour qu’ils soient institués réellement il faut une institution pour les reconnaître durablement. Il n’y a donc pas une seule condition unique et nécessaire, la volonté d’instituer de nouveaux critères pour qu’ils le soient, comme le préconise l’affirmation dont nous nous occupons. Mais plutôt l’obligation de satisfaire d’abord à la société qui va instituer. Et deuxièmement, au temps qui permettra à la société d’authentifier cette institution, cette démarche comme étant réellement novatrice. C’est à dire porteuse de connaissance et de vérité supplémentaire par rapport aux définitions antérieures et non phénomène de mode ou nouvel académisme sans contenu. Je veux dire simplement qu’il ne suffit pas uniquement d’aligner de nouvelles définitions, de nouvelles règles arbitraires. Mais bien sûr, il s’agit à chaque fois, pour que ce soit digne d’intérêt et significatif, d’acquérir, d’appréhender autrement donc un peu mieux et davantage la conscience de nous même et du monde.
Je vais vous donner quelques illustrations.
Lorsque le cubisme est institué, par la société, ce n’est pas parce que Picasso a décidé de mettre une bouche à la place du nez gratuitement, mais parce qu’il a mis à jour les limites de la représentation de la réalité, véhiculée jusqu’alors et interprété par les hommes en deux dimensions sur la toile.
Lorsque Duchamp par exemple, lui-même expose son urinoir, son acte à un sens démystificateur. Démystifier l’œuvre muséale et porter à la lumière cette magie qu’acquiert tout objet, même le plus insignifiant lorsqu’il est exposé et théâtralisé.
Lorsque plus près de nous Ben porte le mot seul au rang d’œuvre d’art, ce n’est pas parce qu’il décide uniquement et arbitrairement de le faire mais parce que nous sommes à une époque ou le mot, le signifiant et le non-dit , le non-mot et la parole ont été redécouverts, réinvestis… et comme recréés en quelque sorte par la psychanalyse. C’est une illustration de ce phénomène que Ben nous donne à voir. Et c’est pour cela qu’il acquiert de la valeur et qu’il devient un « nouveau critère »…
Pour conclure, Duchamp se moquait de tout, et s’amusait à faire émerger le côté dérisoire de chaque chose, et… on retrouve finalement beaucoup de son insolence dans la phrase que vous m’avez proposer de commenter. Duchamp souhaitait transgresser ce qui était institué, et rendu par la même intouchable. Mais, je trouve qu’il est bien regrettable que sa prise de risque, et son questionnement en ce sens, n’ait finalement pas conduit à ce qu’il souhaitait. Puisque nous savons maintenant après sa disparition, que cela a eu parfois l’effet inverse et que la sacralisation et l’institution du n’importe quoi pour le n’importe quoi, et la reconnaissance de ces « nouveaux critères » par le pouvoir public et l’argent, le marché de l’art (uniquement puisque ce sont à ces deux » partenaires » que se réduise l’institution aujourd’hui ) a eu pour but finalement de créer une nouvelle institution encore plus rigide, encore plus académique et peut-être encore plus bourgeoise et limitante que celle que Duchamp a voulut démonter.
Dans le courant figuration libre en ce qui concerne les années 80, ensuite dans les années 90
mon travail s’est rapproché de la mouvance néo-expressionniste. Aujourd’hui ma création
prend une nouvelle orientation, je pourrai lui donnez le qualificatif du concept de la suspension ».
Il y a dans l’acte de destruction de ce que l’on a crée auparavant une sorte d’ascèse, un peu comme si on parvenait ainsi à détruire une partie de soi-même pour la reconstruire après, plus tard, différemment.
Je conserve une trace de ce que j’ai détruit (par le feu), et j’effectue un rangement ou un classement de ces restes par années et par période de création. Cela me donne un visuel, une sorte d’objectivation de mon chemin ainsi que de ma transformation intérieure.
Définir « la femme » c’est évidemment impossible… définir « la femme Chavanis » c’est peut-être un peu plus aisé, dans la mesure ou cela se limite à l’implication et à la projection de mes affects propres. Du moins si j’ai convenablement interprété votre question.
Je dirais que la femme représente pour moi avant tout l’origine. D’un coté de son sexe c’est la vie qui est venue et de l ‘autre coté (dans son ventre) c’est la vie à venir, et la pré-vie. Chaque fois qu’une femme nue pose pour mes pastels et que je l’observe, je ne peux m’empêcher de songer à la femme qui l’a conçue elle, et ainsi de suite, a celle qui a conçue cette autre , et ainsi de suite… jusqu’à attraper un vertige qui me ramène à l’orée de l’humanité et à l’origine de la vie. Ca donne la sensation d’approcher l’infini . Vraiment…
C’est étrange et très fort comme impression… Ensuite, les femmes transmettant la vie (et la mort avec!), par le « médium » de la chair, … la deuxième constatation, c’est que je suis construit moi aussi de cette même chair. Donc, je peux dire que lorsque j’interprète « la femme » dans mes projection, c’est de moi qu’il s’agit. En fait, ce sont uniquement des autoportraits, … je me sers d’elle pour pouvoir me dire. Me dire et dire ce que je ressens vis-à-vis de moi-même. Le dégoût de ma chair et de cette condition humaine insupportable… à mi-chemin entre l’animal et je ne sais quoi… ainsi que l’errance que cela implique, … et la soumission aux limites imposés par notre corps, … une sorte de geôle indépassable… et éternelle.
Probablement, l’obligation d’être cohérent avec moi-même.
L’art ne représente ou ne peux représenter, que le degré d’évolution (ou l’impasse) d’une civilisation ou d’une période dans l’histoire d’une culture… peut-être l’art permet-il dans certains cas d’anticiper légèrement, cela dépend je crois plus de l’urgence de la situation du moment qui rend nécessaire cette anticipation bien plus que du « génie » des artistes protagonistes.
En ce qui concerne la civilisation occidentale à laquelle nous appartenons, ça n’est pas très original de dire, que nous traversons une crise générale du désir de nous projeter dans un avenir, que nous anticipons comme déjà obsolète… et que les grandes mutations des valeurs qui nous reliaient, tout en nous contraignant alors… nous isole dans un grand vide… le même que celui que nous pouvons précisément observer et ressentir dans la création contemporaine.
Je ne peux pas dissocier le début de mon travail de création… de la psychanalyse que j’ai effectué durant dix ans à l’époque, et qui a eu pour effet de me permettre la mise à jour d’ une partie des conflits qui m’habitaient et m’empêchaient de m’exprimer. La psychanalyse m’a en quelque sorte « débouché » et tout ce qui était resté bloqué jusqu’alors a pu enfin se purger et se répandre vers l’extérieur. C’est à ce moment que je me suis donné les moyens nécessaire pour une nouvelle naissance, en effectuant la création de la mère symbolique qui pouvait alors m’enfanter symboliquement. C’est à cette époque que les grandes mères ont été créées. Et je crois vous avoir déjà formulé l’importance du choix des couleurs primaires ainsi que de la symbolique originelle qu’elles revêtaient pour moi. Pour répondre à votre question et s’il fallait faire un classement par période, je dirais qu’il s’agit là de la première période.
La deuxième temps pourrait être celui durant lequel j’ai effectué une descente en profondeur dans les mécanismes sous-terrain du nouvel être « symbolique » auquel j’avais donné le jour. D’un point de vue pratique est créatif cela signifie que j’ai eu tendance alors à beaucoup moins « filtrer » ce que j’exprimais. A être beaucoup plus en prise directe avec mes émotions, mes peurs et mes doutes… et à prendre le risque de les projeter à l’extérieur pour les objectiver et les montrer. Cette période m’a permis d’étoffer le champ de mes investigations. Ainsi il y a eu les eaux-fortes, les pastels dont je parlais précédemment, les grandes acryliques, les nouvelles sculptures en bois, … mais aussi l’écriture, avec deux pièces de théâtre ainsi qu’un essai… un recueil de dix morceaux de musique contemporaine… les 120 photos sur la chair et la série des poupées lacérées.
La troisième période correspond à celle en cours avec d’abord la continuation de l’écriture et des photos, mais surtout la nouvelle orientation de mes sculptures que je suspend et met ainsi en apesanteur.
La maïeutique, je crois qu’au départ c’était le mot grec pour désigner l’acte de la sage-femme pour faire accoucher. Socrate ensuite a repris ce terme pour désigner sa façon de procéder lorsqu’il entreprenait de faire accoucher d’eux même les personnes qu’il soumettait a son questionnement. C’est en quelque sorte une métaphore de l’acte d’accouchement physique transposé au niveau de l’âme pour faire venir ce qui n’est pas encore…pas encore trouvé ou découvert; ou bien à redécouvrir en commençant par la reconnaissance ou la reconquête des émotions de l’enfance enfouis dans l’adulte que nous sommes devenu. En fait, on peut donner comme définition de la maïeutique, que c’est l’art d’accoucher de soi-même.
C’est le titre de la première sculpture que j’ai fait au début des années 80. Il me semblait naturel de donner ce titre à cette sculpture. Tout d’abord parce qu’elle représente une femme qui est sur le point d’accoucher et ensuite parce que c’est le départ pour moi d’une nouvelle … existence en même temps que la découverte de la création.
limitais alors aux trois couleurs primaires ; le jaune, le bleu et le rouge. Pourquoi ces trois couleurs ?
Parce que cela correspondait à l’époque à une quête de l’origine … une quête de l’essentiel. C’est l’époque des grandes mères et les couleurs primaires sont les trois couleurs à partir desquelles on compose toutes les couleurs qui existent. Il me semblait nécessaire de peindre mes grandes mères qui pour moi se situaient au début, à l’origine de toute l’humanité… de les peindre précisément de ses trois couleurs originelles.
Ensuite mon travail a évolué, je me suis orienté vers les expressionnistes et les néo-expressionnistes et j’ai utilisé les autres couleurs… j’ai élargi le choix de mes couleurs, je l’ai étendu a des couleurs… pour moi plus représentatives des émotions qu’on a du mal à contenir, proche du dégoût , proche de la nausée et même temps de la chair ou plutôt de la symbolique de la chair… ainsi donc sont apparues des couleurs comme le vert … le rose… évocatrices vraiment pour moi de la chair … douloureuse. Le rouge aussi encore … mais cette fois non-plus, pour la symbolique de la couleur originelle, comme je la prenais alors dans les couleurs primaire mais plutôt comme métaphore… du sang . Maintenant sur mes dernières sculptures en bois, il y a uniquement du rouge et du noir.
Entre temps il y a eu aussi le travail sur les pastels avec toutes les couleurs utilisées mais principalement le rouge, le jaune et le bleu encore là. Parce que se sont des couleurs qui… permettent vraiment de représenter, d’exacerber des sentiments et des émotions… parce qu’elles sont très percutantes… très fortes. En même temps il y a eu aussi les grandes acryliques , les grandes têtes en dissolution, se sont des peintures qui sont principalement en rouge et noir. Les dernières sont uniquement en noir.
Tout d’abord il y a deux sortes de pastels ; les pastels gras et les pastels secs. Moi je me sers de pastels secs, les pastels gras sont les pastels par exemple qu’utilisait Basquiat dans ses peintures. Moi je prends les pastels secs qui sont à base d’argile. J’ai choisi ce médium pour plusieurs raisons…
La première c’est parce que les pastels secs s’apparentent à l’aquarelle .C’est-à-dire ce sont, c’est un médium qui servait à l’époque pour faire, composer des tableaux très académiques … qui se limitaient à des paysages, à des bouquets de fleurs, à des portraits réalistes, des choses comme ça. C’est très jubilatoire de se servir, d’utiliser ces pastels pour une utilisation exactement à l’opposé de ce pourquoi ils étaient prévus au départ.
Lorsque je dessine, c’est avec beaucoup de violence ; j’ai tendance à maltraiter le papier, les bâtonnets de pastels, à les écraser, a taper sur le dessin , a donner des coups de poings sur la feuille de papier. J’ai l’impression qu’il se passe plusieurs choses chez moi à ce moment là, lorsque je suis en train de dessiner comme ça. D’abord le sentiment de se libérer de toutes les entraves et de toutes les contraintes… sociales. C’est-à-dire de pouvoir faire ce que je veux avec eux, alors que normalement je devrais m’en servir pour ce, …pourquoi ils étaient prévus au départ, c’est-à-dire avec beaucoup de délicatesse… et de retenue, etc. Donc c’est une façon d’aller un peu contre… ce qui est établi, de pouvoir… d’avoir le luxe de pouvoir à cet endroit là, faire ce que je veux avec les contraintes en général. Ca symbolisme peut-être pour moi les contraintes et les limites de la société, que je peux alors faire voler en éclats pendant le laps de temps où je dessine… avec ces pastels.
Ensuite, une autre raison au moins du fait que j’utilise ce médium, c’est que lorsque je les emploi de cette manière… cela se rapproche beaucoup de la sculpture. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de blanc… je laisse beaucoup de blanc. C’est une façon ainsi de pouvoir sculpter les couleurs, plus que de faire de la peinture. Les pastels permettent de faire une sculpture de couleur parce que se sont des pigments purs et on peut les mettre, les disposer comme … la lumière se réfléchit sur les formes des sculptures. C’est la deuxième raison. La troisième raison, c’est que c’est très rapide, c’est-à-dire qu’on peut aller très vite avec des pastels et comme je travaille sur des modèles vivants, que j’interprète. J’essaie de capter leur émotion et c’est cette émotion que j’essaie de fixer sur le papier. Ca me permet d’aller excessivement vite, et on peut terminer un dessin aux pastels très, très rapidement. Dès qu’il est finit, on peut le jeter par terre et en recommencer un autre, sans avoir à laisser sécher, sans avoir à s’occuper de problème pratique comme ça… qui entraveraient la sortie de l’émotion que suggère le modèle et que j’essai de capter immédiatement.
Je crois que c’est … pour… lutter contre l’angoisse d’exister tout simplement. Donc j’essaie de remplir, de remplir mon existence le plus que je peux de création, parce que pour moi la création c’est l’acte essentiel … c’est l’acte avec un grand A de l’existence… et l’existence m’angoisse tellement que je n’ai trouvé que ce moyen pour parvenir à un compromis entre elle et moi; entre l’existence et moi… il y a la création. Voilà c’est le seul compromis que j’ai trouvé pour pouvoir … mener mon existence… jusqu’au bout.
En 1993 j’ai pris la décision de travailler uniquement pour moi , et de ne plus montrer mon travail ou très rarement. Je recommence seulement maintenant à remontrer mon travail. Cela signifie qu’il y a eu sept années de travail … solitaire dans l’atelier. Sept ans, il paraît que c’est la durée que prennent toutes les cellules de notre corps pour ce renouveler. Peut-être qu’ au bout de sept ans on est finalement un nouvel homme. J’avais besoin je crois d’accéder à quelque chose de plus profond, de différent et d’inconnu chez moi. Et pour aboutir à ce que je voulais, il m’a été nécessaire… de ne pas être soumis à la censure, aux contraintes et aux jugements d’autrui. Je me suis donc astreint et concentré sur ce travail de recherche… et de recherche pure.
C’est une question un peu embarrassante . D’abord il y a deux notions a dégager dans la question; la notion de progrès qu’il faut définir et la notion d’art, de mon art. D’abord le progrès; est-ce qu’on peut progresser dans sa création, dans sa vie et dans l’existence? C’est cela le problème, est-ce qu’il y a une possibilité de progrès dans la vie, dans notre conscience et dans le monde … est-ce que l’homme peut progresser et donc, est-ce qu’il est perfectible ?
C’est une vaste question cela implique si on y adhère qu’il y a un sens… que la vie a un sens vers lequel on tend. C’est seulement à cette condition qu’on peut parler de progrès. Alors là, à cet endroit si je peux dire… il y a deux thèses qui se heurtent chez moi ; une première qui fait que je trouve tout absurde sans queue ni tête, et que j’ai l’impression qu’on fait ce qu’on peut, un point c’est tout . Donc si on fait de la création c’est parce que … finalement… c’est une façon de nous permettre de souffrir un peu moins dans l’existence et d’avoir une action, une petite action sur l’extérieur, par simple besoin … de distraction. En désordre, et dans ce cas, sans aucun notion de progrès… et puis ensuite, autrement il peut y avoir une autre façon de voir les choses. C’est de penser que tout…. tout ça… a un sens… la vie, l’univers, l’homme… le passage de l’homme sur la Terre. Qu’ il y a une raison à tout cela. Sans pour autant que ce soit mystique, ou religieux. Mais que nous sommes là pour faire évoluer les choses, pour aller vers un mieux, se diriger vers une conscience plus… plus ouverte et plus complète de nous même et des processus de la nature, en fait … que nous sommes là pour rendre … compréhensible ce qui est transcendant actuellement et donc demain ? … Peut-être ? Repousser un peu le mystère… un peu plus loin… avec les outils dont nous disposons, c’est-à-dire les langages,(orthographique pour ce qui est formulé et les autres langages pour ce qui est suggéré ou non-dit – les sons, forme, couleur, geste etc…) et faire ainsi que l’histoire, notre histoire aie un sens. Celui qui consisterait, à mettre au jour la vérité. La grande Vérité. La faire venir, la débusquer ou bien la retrouver ? C’est ce qui nous permettrait de comprendre pourquoi l’espèce est plus importante que l’individu et … pourquoi il faut que nous passions par là et que nous contribuions à faire avancer les choses. Mais je vous l’accorde c’est une maigre consolation de croire à un sens si la nécessité de ce sens nous reste tout de même inconnu (du moins à notre époque).
Et pour revenir à la question du progrès, ce serait donc la thèse selon laquelle il y a progrès et orientation de l’histoire. Qu’on sait qu’il y a un progrès possible… Et je m’aperçois en répondant à la question que en définitive, l’art… enfin mon art , ma création c’est tout simplement l’illustration, la mise en acte de la reconnaissance de ce progrès … auquel j’adhère finalement . Donc mon art c’est me mettre en progrès c’est-à-dire de me mettre en devenir et d’essayer de me sortir du fond de moi-même puisque je ne me connaît pas encore. Donc finalement, je ne conçois pas l’art comme… une discipline, comme une école de style mais plutôt comme le moyen peut-être le plus efficace, nous permettant de nous mettre en progrès. Nous mettre en chantier, nous mettre en création nous-même et… en devenir.
A partir de ce moment-là, si je peut dire que le progrès est possible et puisque le but serait de nous connaître davantage… je peux alors qualifier mon art comme étant une façon de me mettre en progrès… de me donner les moyens de mieux me connaître parce que je peux exprimer par ce moyen ce qui est habituellement hors langage. A cet instant là, alors j’ai la certitude de progresser dans mon art. Effectivement, j’ai l’impression de mieux me connaître aujourd’hui et de mieux connaître ce qui m’entoure que je ne le connaissais il y a dix ans par exemple. Même si le fait de mieux m’appréhender… et mieux appréhender l’extérieur peut me donner l’impression que je sais moins de chose qu’avant … puisque je peut être emmené à remettre en question des choses qui étaient pour moi établies alors… Et donc a douter davantage, mais peut-être que ce doute là … est plus porteur de progrès.
Le concept de Dieu (inventé par les hommes) a une résonance douloureuse chez moi. Car cela me renvoi immédiatement à mes limites intellectuelles. Au même titre d’ailleurs que l’Idée de fini ou d’infini, ou bien d’éternité, ou encore aux notions de temps et d’espace… etc… Ces concepts sont tout simplement « impensable » c’est-à-dire qu’on ne peut les appréhender du fait de leur transcendance. Il sont hors de la portée de l’intelligence des hommes. « Ne se peuvent regarder en face… » et produise chez moi l’effet d’une « castration » , une sorte d’amputation morale terrible…
Pas constamment… mais presque. On ne peux penser à la vie en faisant abstraction de la mort…
Pour s’auto diriger, il faut effectivement avoir une énergie intérieure importante… je crois que c’est une évidence. En ce qui me concerne, j’étais beaucoup trop révolté pour suivre un cursus normal lorsque j’avais l’âge d’être étudiant comme les autres.
Parce qu’on ne peut le vivre autrement.
Un seul me suffirait: être Dieu (au sens commun), ce qui me permettrait de créer un autre monde dans lequel il n’y aurait pas de souffrance.
Nous avons tous un masque, « une persona » comme disaient les grecs… une personnalité derrière laquelle nous cacher et nous défendre si besoin est… et qui nous supporte. Moi ce qui m’intéresse c’est la partie caché de l’iceberg de la conscience. Je suis convaincu que c’est la que se trouve l’essentiel de l’être humain… même si on ne trouve rien de consistant à cet endroit… mais surtout de l’errance et de la dérive. C’est pourtant là que nous sommes… coincés… entre l’animal et l’absolu.